mercredi 22 février 2012

[Avis] Fraternity Livre 2/2 par Díaz Canales & Munuera, éd. Dargaud

Pour une fois, j'ai battu le fer tant qu'il était chaud. Comme je viens de lire le premier tome de ce diptyque, j'ai acheté le second dans la foulée, et je l'ai lu aussitôt. C'était le meilleur moyen d'avoir l'histoire bien en tête.

Cette seconde partie est la suite directe de la première. On retourne donc à New Fraternity, cette communauté fondée par un riche utopiste qui rêve qu'hommes et femmes de toutes races puissent vivre paisiblement ensemble, en partageant le fruit de leur travail. On a pu voir dans le précédent opus que ce rêve s'est petit à petit effiloché, et que les temps difficiles que vivent les villageois ont eu raison de leurs idéaux. De plus ils ont mis la main sur la bête immonde qui hantait les forêts environnantes, celle-là même qui semble étrangement liée à Emile, l'enfant sauvage recueilli quelques années auparavant. McCorman, le fondateur de la communauté, étant malade et très affaibli, les complots ourdissent dans l'ombre, et certains ont décidé qu'il était temps de reprendre leur destin en main. Quelques uns pensent qu'il faut suivre la voix de Dieu, qui doit forcément leur avoir envoyé la Bête pour les soumettre à une épreuve. D'autres pensent qu'il n'est plus possible de travailler pour nourrir les autres, plus feignants qu'eux. D'autres encore décident qu'il faut renvoyer les déserteurs de la communauté... Le retour d'Alexander Laffite va achever de ternir le tableau, lui dont est éprise la belle et convoitée Fanny, au grand malheur de Josiah, qui va alors s'engager définitivement sur la mauvaise voie... Les tensions montent, les caractères s'affirment, les relations s'enveniment, jusqu'à un climax sanglant, lorsque la bête se libère et se déchaîne au cœur de la communauté...

Comment attendu, ce second tome est celui de l'explosion. Là où le premier posait l'ambiance (trop ?) tranquillement, celui-ci s'accélère (trop ?) et passe aux choses sérieuses. Il aurait à mon avis fallu un meilleur équilibre réparti sur les deux tomes. Car le résultat, c'est que le second se lit en à peine plus d'un quart d'heure.

(c) Díaz Canales / Munuera / Dargaud
Je suis persuadé que cette BD gagnerait à être réunie en un seul volume. C'est purement psychologique, puisque lorsqu'on a les deux, on peut les enchaîner, mais je trouve que pour ceux qui ont dû attendre entre la lecture du tome 1 et du tome 2, cette conclusion vitesse grand V a dû être un peu frustrante. Malgré tout, l'ensemble forme une histoire cohérente, mais surtout intrigante avec cette fin ouverte, qui à coup sûr en énervera plus d'un.
[attention, importants spoilers dans la partie en italique] 
La grande réussite de l'album est surtout les interrogations que suscite la bête. On ne sait pas d'où elle vient, ni quel est son lien avec Emile, et au final on referme le livre 2 sans le savoir. Cela renforce son côté symbolique, et on se surprend, après avoir fini cette histoire, à essayer d'en comprendre la signification. A défaut de trouver une explication simple, on peut au moins remarquer que c'est lorsqu'elle fait irruption dans le village que la communauté vit ses derniers instants. J'ai comme l'impression qu'elle matérialise en quelque sorte la part sombre de l'Homme, qui a été mise de côté, à l'extérieur du village lorsque s'est créée la communauté. De cette manière, elle représentait un peu la menace de la Société extérieure à la communauté: la cupidité, l’égoïsme, la violence, l'inégalité, etc. Et lorsque les villageois la font pénétrer dans le village, c'est un peu comme s'ils achevaient de réintégrer ces notions en eux, faisant ainsi imploser la communauté. 
Quand au lien qui unie la bête et l'enfant, il est plus difficile à interpréter. On peut imaginer malgré tout que les deux sont liés comme le sont intimement l'innocence et la perversion en nous, et qu'avoir accueilli la première dans le village, fait qu'automatiquement la seconde va suivre. L'un ne va pas sans l'autre. On peut d'ailleurs constater que lorsqu'à la fin l'enfant rejoint une autre communauté, la bête, pourtant laissée pour morte, semble l'avoir suivi...

(c) Díaz Canales / Munuera / Dargaud
Comme vous aurez pu le constater, pour un diptyque qui ne m'a pas 100% convaincu, il donne quand même à réfléchir. C'est un mérité que l'on peut donc attribuer au scénario.

Pour le reste, la partie graphique est à la hauteur du précédent tome, là aussi avec un climax matérialisé par une superbe double page illustrant la bête sur le clocher du village. Les planches sont superbes, on a le droit à de nombreuses grandes cases, pour le plus grand plaisir de nos mirettes. Munuera est définitivement entré dans la cour des grands pour moi. La mise en couleur n'est pas en reste, là encore elle apporte son appui à l'ambiance, par des tons sombres, des atmosphères troubles, embrumées...
En résumé:
Une série qu'il serait bon d'acquérir d'un bloc pour en apprécier la substance, en partant du principe que sa lecture n'apportera pas toutes les réponses aux questions soulevées. Les auteurs nous laissent libres de notre interprétation, et c'est finalement assez peu courant dans la BD mainstream. Si Dargaud réunit un jour le tout en une intégrale, ça sera parfait !

mardi 21 février 2012

[Avis] Post Mortem de Maurel aux éd. Gallimard

Pour avoir de la main d’œuvre gratuite, le gouvernement a décidé de faire revenir les morts parmi nous. Finies les corvées, on refile toutes les tâches ingrates aux post mortems ! Ça, c'était la théorie. Dans la pratique, les employeurs ont vite compris que ces travailleurs gratuits pouvaient tout aussi bien remplacer n'importe quel salarié... Par la faute de ce détournement, le taux de chômage augmente, à mesure que la population active perd ses emplois aux profits des morts-vivants. Ce qui ne tarde pas à focaliser la grogne sociale sur eux, devenant la source de tous les maux de la société. Jérémy fait justement partie de ceux qui ne supportent plus les cadavres ambulants, d'autant plus qu'il vient lui-même de perdre son job, son patron ayant préféré le remplacer par un zombie. Sa vision des choses change radicalement lorsqu'à cause d'un accident, il bascule de l'autre côté, devenant à son tour un post mortem. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il se retrouve à travailler en usine, et subit alors le mépris et les railleries de ses collègues à son encontre. Il découvre ainsi l'enfer que vivent les morts-vivants au quotidien...

(c) Maurel / Gallimard
Depuis quelques temps, nous vivons un fort regain de popularité vis à vis des histoires de zombies. Pierre Maurel a choisi de traiter le sujet de manière totalement originale, tout en insufflant  une bonne dose de critique sociale (dans la pure tradition Romero, quelque part). Cette idée de départ qui voit le gouvernement créer les zombies de toute pièce est une bonne trouvaille, car les évènements qui en découlent permettent à l'auteur de faire un tas de parallèles avec notre société, voire même avec notre Histoire de manière générale. Les post mortems sont exclus, stigmatisés, haïs, victimes de violences de la part de milices constituées de citoyens anti morts-vivants. Et le sort qu'on leur réserve est terrible.

On peut bien évidemment remplacer les post mortems par les immigrés, et tirer les conclusions de cette très bonne BD... Mais plus largement, on y traite aussi d'esclavage, de racisme (ordinaire ou pas), et même de la déportation... L'auteur créé une société au sein de laquelle les conditions sont réunies pour qu'à nouveau soient commises les pires atrocités: tension sociale, précarité, haine, tous les ingrédients qui finissent par aboutir au pire. Ce n'est pas sans rappeler non plus notre époque actuelle, ou la tension sociale fait qu'il ne faudrait pas grand chose pour que ça dégénère aussi...

(c) Maurel / Gallimard
En plus du fond, la forme est également réussie. La BD, qui a priori est un one-shot, se lit d'une traite et le dessin apporte un plus à ce type d'histoire. La mouvance dont fait partie l'auteur (même si je n'aime pas particulièrement faire ce genre de classification), au style plutôt indépendant/underground, semi-réaliste, est plutôt souvent ancré dans la réalité et le quotidien (et c'est le cas quand même ici), mais lorgne plus rarement vers le fantastique. Et c'est qui apporte de la fraîcheur au genre. Gallimard a aussi fait du bon boulot sur l'objet en lui-même, j'adore ce genre de BD petit format, à forte pagination (90 planches), avec une belle couverture cartonnée, pelliculage mat du plus bel effet.

(c) Maurel / Gallimard
En résumé:
Un scénario original et excellent, qui tient en halène, un style graphique percutant, qui forment une bien bonne histoire de zombies, sur fond de critique sociale. On appelle ça de la "politique fiction", parait-il... On en redemande, et je vais du coup tenter de mettre la main sur Blackbird, du même auteur édité chez L'Employé du Moi.

vendredi 17 février 2012

[Avis] Hel tome 1 "L'Eveil de la Bête" par Renaud & Beaupuis, éd. Delcourt

Aujourd'hui chronique d'un titre pas très récent, je l'avoue, car je le découvre sur le tard. La BD, c'est un peu comme le bon vin, il faut parfois laisser mûrir un album avant de le lire. On dira que c'est pour ça que j'étais passé à côté. :D

L'album démarre sur une très belle scène d'introduction nous présentant Hel dans ses oeuvres: le vol de reliques humaines. La belle, couverte de tatouages tribaux apparus spontanément à sa puberté, possède des pouvoirs aussi intrigants que pratiques dans l'exercice de son activité. Comme par exemple la possibilité de traverser la matière. Il lui est donc très facile d'aller dérober le "janus" (une sorte d'embryon formé de la symbiose de deux êtres humains, conservé dans un joli bocal de formol) convoité par un couple d'artistes marginaux. Ces derniers sont fascinés par tout ce qui touche au corps humain, à sa transformation ou à son amélioration. Ils font donc régulièrement appel aux services de Hel pour obtenir de quoi agrémenter leur collection macabre. Ce milieu d'amateurs fonctionnant plutôt en cercle fermé, un célèbre et puissant mécène, Fortunio Damanos, grand collectionneurs à ses heures perdues, ne tarde pas à se manifester auprès du couple d'artistes. Il est lui aussi intéressé par ce même Janus, et s'invite au vernissage d'une de leurs expositions. Hel lui est par ailleurs présentée à cette occasion, et l'homme semble particulièrement intéressé par la demoiselle. Cette dernière, au détour d'une conversation, est intriguée par une des pièces de collection dont se vante Damanos: un janus tatoué, et ce depuis le stade de foetus. Elle s'imagine alors qu'en s'introduisant chez lui, elle trouverait probablement un moyen d'en apprendre un peu plus sur l'origine de ses propres tatouages, qui ne semblent pas étrangers à ses pouvoirs. Mais il se pourrait bien que Damanos classe la belle un cran au-dessus des autres pièces de sa collection, et qu'il lui réserve un accueil privilégié...

La première claque de cette BD est graphique. Le niveau est très élevé, et pour un premier album, on reste scotché par la qualité de dessin présentée par certaines planches. Vu le sujet abordé, on image déjà très bien que l'auteur maîtrise l'anatomie, mais au-delà de ça, la dessinatrice fait preuve d'une incroyable maîtrise de l'architecture. Les décors sont époustouflants de détail. Si on ajoute à cela une mise en couleur de circonstance, avec des tons froids qui contribuent à instiller une ambiance particulière à l'album, on se dit qu'on tient là une BD déjà prometteuse.

(c) Renaud / Beaupuis / Delcourt

Et on a de la chance, car le scénario est à la hauteur de la partie graphique, avec une histoire dense aux séquences de dialogue touffues, et une narration bien développée, sans temps mort. Le récit entre directement dans le vif du sujet, les personnages sont bien amenés et on sent qu'ils ont de la profondeur, en plus de leur côté atypique. Anne Renaud est co-signataire du scénario, pour lequel elle s'est adjoint les services d'un ami, Yannick Beaupuis, afin de tout mettre en forme, ayant déjà fort à faire avec le dessin. L'avantage, c'est que l'histoire est taillée sur mesure pour son talent et ses goûts, et cela se ressent quand on voit le travail appliqué qui est fourni. Il faut dire qu'entre les premiers aperçus de Hel en 2002 et la sortie en 2007 du premier tome, il fallait vraiment que le projet motive sa créatrice pour aller jusqu'au bout. L'équipe a visiblement réussi son pari.

(c) Renaud / Beaupuis / Delcourt
En terme d'influences, on ne peut s'empêcher de penser à Matrix, visuellement. On a pas mal de clins d'oeil disséminés, que ce soit le look et le physique de l'héroïne qui rappelle Trinity, la séquence d'introduction aérienne et nocturne avec sauts entre les gratte-ciels, le ton parfois vert donné à l'éclairage, jusqu'à même certaines cases qui sont très explicites. La référence ne s'arrête pas là, car le monde underground dans lequel se déroule l'histoire rappelle là encore la célèbre trilogie (notamment tout l'univers du Mérovingien, pour les fans). Référence volontaire ou pas (pas trop de doute pour ma part), on peut en tout cas constater qu'Anne Renaud partage quelques goûts esthétiques avec le duo Wachowski.

En tout cas, on passe un très bon moment avec cet album, le scénario est très prenant, et sait prendre une tournure inattendue, surtout à partir du moment où l'héroïne pénètre dans l'antre de Damanos. Elle y fait une rencontre avec un drôle d'adversaire (dont je vous laisse la surprise), et on en apprend un peu plus sur le rôle de ses tatouages. Toute semble possible dans l'univers de Hel, et on a du coup hâte de découvrir la suite, même si elle tarde à sortir: rien à l'horizon depuis 2007. Mais vu le boulot abattu sur le premier tome, on peut comprendre que l'auteur ait besoin de temps. 

Si vous voulez en savoir plus sur Anne Renaud, je vous invite à découvrir son blog (même s'il n'est plus très à jour), vous pourrez y découvrir l'envers du décor, avec notamment des crayonnés qui ne laissent aucun doute sur le talent de l'artiste...
En résumé:
Un premier tome excellent. Dessin impeccable à tous les niveaux,  scénario réussi, univers très travaillé. Tout y est bien dosé: action, suspens, psychologie, mystère... Ce démarrage de série s'annonce donc très prometteur, et on espère vivement pouvoir profiter de la suite dans un avenir proche.

mercredi 15 février 2012

[Avis] Fraternity Livre 1/2 par Díaz Canales & Munuera, éd. Dargaud

Duo prestigieux pour cet album, en la présence de Juan Díaz Canales (Blacksad) et Jose Luis Munuera (Merlin, Spirou, Le Signe de La Lune). Forcément cela crée des attentes.

Au fin fond de l'Indiana, alors que la Guerre de Sécession fait rage entre Nordistes et Sudistes, un groupe d'hommes et de femmes tente, non sans mal, de faire vivre la petite colonie de New Fraternity. Ce petit village reclus, fonctionnant en autarcie selon un modèle sociétal basé sur l'égalité, la fraternité et le partage entre ses citoyens, est sur le déclin (le socialisme utopique revisité). La communauté a été fondée par Robert McCorman, un riche utopiste persuadé qu'un nouveau mode de vie peut se développer au sein d'une nation fraîchement constituée. Tant bien que mal, il tente de maintenir le navire à flot, mais déjà des dissensions se font sentir, à mesure que les ressources des villageois s'amenuisent, et qu'il apparaît que tout le monde ne met pas le même cœur à l'ouvrage. C'est l'arrivée d'un jeune enfant sauvage, Emile, recueilli au milieu de la forêt avoisinante, qui va définitivement installer un climat délétère dans la communauté, d'autant qu'il est suspecté d'avoir un lien avec une féroce et mystérieuse bête qui décime les élevages des villageois. Quand en plus il ramène, contre son gré, un groupe de déserteurs Nordistes, Noirs de surcroît, les beaux principes et les belles valeurs de la communauté ne vont pas tarder à voler en éclat...

Une bande-annonce officielle:



Premier constat: graphiquement c'est superbe. J'adore le trait de Munuera depuis très longtemps (voir l'excellente série-pour-enfant-mais-pas-que Merlin), et là c'est franchement de haute volée. Il a su développer un style personnel, facilement identifiable, qui s'affirme un peu plus encore dans cette BD. J'adore parce que c'est dynamique, expressif, plein de vie, super bien découpé. Bref c'est le gros point fort.

(c) Díaz Canales / Munuera / Dargaud
La mise en couleur n'est pas en reste. Très réussie, j'ai trouvé qu'elle apportait une ambiance crépusculaire, restituant bien l'atmosphère d'une communauté sur le déclin, voire même l'époque sombre et les évènements qui s'y déroulent.

Passons maintenant à l'histoire en elle-même. Là, j'émets plus de réserves. J'ai trouvé ça intéressant, mais on a du mal à cerner où cela va. Il y a tellement d'éléments installés dans cette première partie qu'on imagine difficilement comment tout pourra être solutionné dans le second (et dernier) tome. Malgré tout, on dévore l'album en guettant le moment où cela va basculer: malheureusement, cela sera réservé au second tome... 

Au final les auteurs nous abandonnent des questions plein la tête. Quelle est cette bête qui hante la forêt ? Quel est son lien avec l'enfant ? Qui sont ces trois déserteurs et de quoi/qui se cachent-ils ? Quel secret cache le labyrinthe jouxtant le village ? Sans compter les coups tordus qui se trament dans l'ombre de la part de certains membres de la communauté... Cela fait quand même un paquet de trucs en suspens...

(c) Díaz Canales / Munuera / Dargaud
En résumé:
Cela fait de ce premier tome un album dense (comme sa pagination, 54 planches), dans lequel on a un peu le sentiment d'être perdu, mais qui capte quand même l'intérêt. L'avantage des diptyques comme Fraternity, c'est que lorsqu'on a une première partie qui pose méthodiquement les bases, en règle générale la seconde se consacre à l'action. On peut donc espérer que le livre 2 vienne contre-balancer le précédent, et clore le tout en apothéose.

mardi 14 février 2012

[Projet] Cela prend forme !

La dernière fois que j'ai abordé mon projet en détail sur ce blog, je vous avais fait part de mon désarroi après l'annonce de la perte du local qui devait accueillir ma librairie en son sein.

En effet, fin novembre, à quelques jours d'un passage devant un comité (dans le cadre du parcours NACRE) devant m'accorder un prêt à taux zéro me permettant ensuite d'aller voir les banques avec un atout supplémentaire, j'avais appris que le local allait être attribué à quelqu'un d'autre.

Pour la petite histoire, ce local je l'avais trouvé avant même qu'il soit sur le marché immobilier dieppois, remontant la piste jusqu'à la propriétaire des murs. Autant dire qu'il m'intéressait vraiment.

Bref, je devais passer devant le fameux comité NACRE le 1er décembre, et malheureusement, je fus contraint de tout annuler. Cela signifiait un coup d'arrêt brutal au projet, puisque qu'il fallut annuler cette commission, ainsi que toutes les études bancaires en cours...

Après une bonne semaine à me morfondre, l'envie reprit le dessus, et je me mis en quête d'un nouvel oasis. En quelques jours, je finis par jeter mon dévolu sur un autre local, à la propriétaire sympathique, mais dont la surface était trop juste pour mon activité. Malgré tout, je signifiai mon intérêt, et commençai à envisager les travaux nécessaires à mon activité.

De fil en aiguille, tout cela nous amène aux alentours du 20 décembre, date à laquelle je reçus un nouveau coup de fil de la propriétaire du local que j'avais perdu 3 semaines plus tôt: il était à nouveau disponible. Pas de chance, le dernier comité de l'année avait officié le 15 décembre, c'était donc mort pour 2011.

Après avoir un peu ravalé ma fierté, je décidai finalement de me focaliser à nouveau sur ce premier local, avant tout pour les avantages qu'il présente: peu de travaux, surface adéquate, du charme, emplacement intéressant, loyer correct et surtout pas de droit d'entrée.

Je repris donc contact avec l'organisme qui me chapeautait dans le cadre du processus d'aide à la création NACRE, afin de convenir d'un nouveau passage devant le comité. Cela fut planifié pour le 12 janvier 2012.

Les fêtes passèrent, et en début d'année je me manifestai auprès des banques qui m'avaient reçu auparavant.

La date fatidique approchant, je "révisais" mes chiffres, afin d'être prêt à faire face au comité. D'après mon accompagnatrice, cela allait être une formalité, à moins de me planter lors de mon passage.

Vint le 12 janvier. En route pour Rouen, où se déroulait "l'interrogatoire". La pression monta au fil de la matinée, à mesure que l'on s'approchait de 14H, l'heure avec un grand "H".

Je me présentai devant le fameux comité, et me soumis à leurs questions. Tout se passa bien, l'accueil fut sympathique bien que sérieux, et les questions furent moins piégeantes que prévues, et à l'issu de l'entretien, j'étais globalement satisfait de ma prestation. J'avais toujours plutôt eu tendance à planter les examens oraux, cette fois-ci j'étais rassuré.

Quarante-cinq minutes plus tard, je reçus un appel téléphonique de la part de mon accompagnatrice, qui m'annonça alors une nouvelle surprenante: le comité refusait de m'accorder le prêt, et par conséquent la garantie sur les autres prêts bancaires que je devais souscrire.

Gros gros coup dur à ce moment là. Une fois encore, mon rêve s'envolait. Je prévins alors la banque qui était donnée quasi-acquise à mon projet, et forcément la réponse ne se fit pas attendre plus de quelques jours: l'établissement ne me suivait plus.

Retour à la case départ, c'est-à-dire à la situation telle qu'elle était en Septembre dernier.

Concernant la décision du comité, on m'avait expliqué que mon projet était visiblement trop ambitieux, trop optimiste, que c'est la crise, et que par conséquent, on ne souhaitait pas m'aider à créer, puisque cela ne serait pas me rendre service que de le faire. Je risquais de me retrouver dans une position délicate financièrement parlant, si cela ne fonctionnait pas.

Sur le principe, j'étais prêt à entendre ces arguments. Ce qui est dommage, c'est que tous les éléments sur lesquels cette conclusion était basée étaient dans le dossier depuis le départ, et figuraient clairement dans la case "faiblesses" de l'analyse financière. Pourquoi m'avoir alors fait passer les étapes suivantes, validant à chaque fois la viabilité du projet ? Il aurait été plus simple de me recaler bien avant, cela aurait eu de moins lourdes conséquences sur les aides à percevoir par le Pôle Emploi, qui fondent comme neige au soleil à mesure que le temps passe...

Au final, je vécus cette décision avec une relative incompréhension, pestant plutôt contre la perte de temps que cela avait représenté.

Malgré tout, l'accompagnatrice prit l'initiative de contacter une des banques qui m'avaient rencontré, et connaissant visiblement le conseiller qui m'avait reçu, elle lui fit la demande de tenter de monter mon projet malgré tout.

Ce fut ainsi que le conseiller d'une des banques que je pensais impossible à convaincre de financer ma création d'entreprise reprit contact avec moi, de lui-même (cela se fait rarement dans ce sens !).

Je le rencontrai quelques jours plus tard, et déchantai alors en constatant que le problème restait le même qu'auparavant. Cette banque, dans sa façon de fonctionner, ne finance que l'outil de production, c'est à dire les machines, le matériel, bref, tout ce qui fait fonctionner une activité. Le stock, c'est impossible à financer.

Il restait donc un trou conséquent (la moitié de mon plan de financement) à boucher. Le conseiller, qui portait bien cette appellation, fut malgré tout de bon conseil (:D) en tentant de trouver des organismes financeurs pouvant m'apporter leur concours. Comme quoi, les bonnes personnes au bon moment peuvent être décisives dans le soutien à un créateur.

Il me fit prendre contact avec l'ADIE (qui fait du micro-crédit), mais cela fut infructueux car mon projet dépasse le plafond de ce qu'ils financent, puis on s'orienta alors vers la Chambre de Commerce de Dieppe (de nouveau !) qui peut prêter aux créateurs.

Je pris donc rendez-vous avec eux, et il apparut au terme d'un entretien qu'ils ne souhaitaient pas non plus me prêter d'argent, pour les mêmes raisons évoquées auparavant, auquel venait se greffer un problème d'éthique: sachant qu'à Dieppe il y a déjà une boutique s'approchant de ce que je veux faire (c'est un spécialiste BD, tous genres), la Chambre de Commerce m'annonça que sur cette base, au nom de la libre concurrence, ils ne pouvaient me favoriser en me prêtant de l'argent, car cela serait au détriment du premier. Je fus alors très surpris de n'avoir pas eu cette objection lors d'un premier contact pris en Septembre ou Octobre 2011, et que ce fut cette institution qui m'orienta vers le parcours NACRE... Etrange retournement de situation...

Je me retrouvai donc, vers le 20 janvier, sans aucune solution à l'horizon.

Ce fut à ce moment que la famille entra en action. En quelques jours, mes beaux-parents, puis mes parents, décidèrent de me prêter l'argent nécessaire au lancement du projet. 

Cette nouvelle en poche, je repris rendez-vous avec mon banquier, qui accepta de monter une demande de prêts (un PCE et un prêt classique), afin de monter cette boutique.

Après un enchaînement de rendez-vous avec mon expert comptable et cette banque, je suis maintenant en mesure d'annoncer que depuis quelques jours, la création de la société Pictoris est en marche, cette dernière permettant de créer un point de vente qui s'appellera comme ce blog: La Croisée des Mondes.

Les démarches étant en cours, il est difficile de planifier précisément l'ouverture, mais je peux tabler raisonnablement sur courant Mars.

Je reviendrai ici pour vous présenter un peu plus concrètement le projet, ainsi que la structure que j'ai choisi de créer. L'avenir devrait se révéler plein de surprises  !

Voilà c'est la fin de cet aparté "3615 c'est ta vie", je vous reviens bientôt avec d'autres chroniques ! J'ai du retard à combler !

lundi 13 février 2012

[Blog] Petite modification

Me voilà enfin de retour, après une longue interruption. Je signale donc au passage une simple modification dans mes chroniques. Je supprime le système de notation, définitivement ou pas je n'en sais rien, mais je fais l'essai. J'ai toujours du mal à choisir la note à attribuer, et finalement je crois que c'est l'avis qui importe, et non pas la note finale. Je conserverai uniquement le principe des coups de cœur qui, bien que classique, a au moins le mérite d'être clair.

Je reviendrai également un peu plus tard vous expliquer pourquoi je suis resté longtemps absent. J'étais occupé avec mon projet de création d'une boutique, et il s'est passé pas mal de choses durant ce mois et demi, positives parfois, négatives souvent.

[Avis] La Bête du Lac tome 1 "Le Gardien" par Lapierre et Boutin-Gagné aux éd. Glénat Québec

L'histoire nous embarque pour Lac-à-l'Ombre, petit village isolé au fond des terres forestières québecoises enneigées, à une époque qui pourrait sembler être le début du XXème siècle. On y fait la connaissance d'Ovide, inquiet suite à la disparition de son frère jumeau Gédéon, qui n'a pas pointé le bout de son nez depuis plus d'un mois. Au cours de recherches par ailleurs infructueuses, Ovide retrouve le chien de son frère, à moitié mort de fin. Il ramène l'animal affaibli au village afin de lui apporter quelques soins, et tenant là enfin un indice sérieux, il décide de le mettre à contribution. Le chien, visiblement perturbé et apeuré à l'idée de repartir à l'aventure loin du village, lui permet de remonter une piste qui le mène au bord d'un lac gelé. Au milieu de celui-ci, il rencontre une demoiselle un peu dévêtue, baignant à moitié dans l'eau, bravant des températures pour le moins glaciales. Vous l'aurez deviné, il s'agit de la sirène présente sur la couverture ! Passé la surprise et après une discussion avec elle, Ovide apprend ce qu'il est advenu de son frère, dont le destin semblerait avoir été scellé par le maître des lieux: un gigantesque monstre lacustre...

(c) Lapierre / Boutin-Gagné / Glénat Québec
Voilà enfin une histoire à l'ambiance originale. J'avais envie d'un album qui change un peu, qui lorgne plus vers le fantastique, le vrai. Et c'est en cherchant parmi les titres parus récemment que je suis tombé sur ce premier tome aux origines québecoises. Je me suis dit que cela serait une occasion d'être un peu dépaysé, et je n'ai pas été déçu.

Il existe au Québec (comme partout ailleurs dans le monde), pas mal de légendes mettant en scène un monstre qui soit-disant hanterait les eaux du lac du coin. Les plus connus sont visiblement les monstres du Lac Pohénégamook (exercice de diction: répétez "Pohénégamook" 5 fois d'affilée sans vous planter :D), ou encore le dragon du Lac Memphrémagog. C'est de cette mémoire collective que François Lapierre s'est inspiré pour son scénario.

Alors certes, j'aurais aimé que l'histoire entre un peu plus vite dans le vif du sujet, non pas que l'on s'ennuie, pas un seul instant, mais on a l'impression qu'au début il y a plusieurs faux départs avant que cela ne démarre franchement. Malgré tout, pour un premier tome, on a un album qui raconte vraiment quelque chose. Et ça de nos jours, c'est une grande qualité. Il y a peut-être aussi un peu trop de personnages, et on se demande d'ailleurs si cette quantité ne sert pas un peu de chair à canon (faut bien lui donner à bouffer, à la Bête du Lac :D). Mais tout cela se tient, et les personnages centraux sont intéressants et bien étudiés. L'histoire prend de l'ampleur petit à petit, pour s'accélérer grandement à la fin, et nous laisser sur une attente alléchante. Mission accomplie !

Côté dessin, j'ai beaucoup apprécié le style graphique de l'auteur, une sorte de croisement lointain à mi-chemin entre Mignola et Loisel. c'est le point fort de cet album. J'apprécie tout particulièrement les planches dont le trait est plus fin, à l'image de la couverture, ou encore la petite histoire bonus (qui semble avoir été dessinée il y a plus longtemps). La grosse bestiole est bien réussie également. J'ai juste un bémol sur certaines cases dont le dessin apparaît plus gras, un peu comme si cela avait été zoomé ou agrandi. Mais cela reste anecdotique et rare. C'est en tout cas un auteur très prometteur, qui sort d'ailleurs bientôt un nouvel album chez Soleil, "Brögunn", dont la couverture n'est pas sans rappeler celle de la Bête du Lac dans sa mise en scène ;).

(c) Lapierre / Boutin-Gagné / Glénat Québec

En résumé:
A l'heure où il est difficile de trouver un premier tome qui sort du lot, il est intéressant de jeter un œil à cette nouvelle série aux qualités certaines, d'autant que les dernières pages augurent d'un second tome palpitant, le scénariste nous dévoilant un élément de mystère sur les origines de la bête. Le tome 2 sera donc celui de la confirmation du potentiel contenu dans les promesses de cette introduction réussie.