jeudi 22 septembre 2011

[Avis] Urban T.1 "Les Règles du Jeu" de Brunschwig & Ricci aux éditions Futuropolis

Enchaîner les bonnes lectures, cela fait toujours plaisir. Je dois être sous une bonne étoile en ce moment, car c'est encore le cas avec cette nouveauté qui vient de paraître chez Futuropolis.

La génèse d'Urban est un peu particulière. D'une part, il s'agit de la refonte d'une série avortée au premier tome (alors intitulée Urban Games), à la fin des années 90. D'autre part, il a fallu 12 ans à son géniteur, Luc Brunschwig (qui a depuis assis sa réputation de scénariste de renom), pour remettre à flot ce projet qui lui tenait tant à coeur (l'idée de départ date de 1983 !). Après plusieurs essais, il y est parvenu, et c'est du résultat dont on va traiter ci-après.

Je fais d'abord un petit apparté pour dire que déjà, rien que livre en tant qu'objet m'a séduit lorsque je l'ai pris sur la pile de nouveauté chez le libraire. Je tire mon chapeau à l'éditeur qui a réalisé un bel ouvrage, avec cette BD (très) grand format, au dos rond qui sort de l'ordinaire, et au pelliculage mat & verni sélectif qui est toujours du plus bel effet. Un petit bémol (je pinaille): pour avoir découvert la couverture "entière" ici, je trouve qu'on aurait pu mieux faire pour profiter plus encore de la superbe réalisation de Roberto Ricci. Bon j'avoue que si je ne l'avais pas vue, je n'aurais peut-être rien eu à redire sur cette maquette. Bref, revenons à nos moutons.

Les tomes 1 en BD, on le sait, sont rarement enthousiasmants. Au mieux nous présentent-ils bien gentiment les personnages et leur univers, au pire on s'ennuie ferme car l'histoire ne s'emballe que lors des deux-trois dernières pages... Avec Urban, on est en dehors des deux cas de figure: il y a de la lecture, de la vraie. Ca paraît idiot, mais beaucoup de scénaristes perdent ça de vue dans les tomes 1.

(c) Futuropolis, Brunschwig / Ricci


Avant même de découvrir le héros de ce premier opus, on découvre avant tout une ville. Une mégalopole même: Monplaisir. Ville de débauche, ville de tous les excès, ville où le jeu et l'amusement priment sur tout le reste. Monplaisir a été créée par un personnage mystérieux: Springy Fool, sorte d'Oncle Sam déjanté, qui régit la ville comme un présentateur de Cirque, appuyé d'A.L.I.C.E., un système virtuel omniprésent et omnipotent, qui voit tout, entend tout, et contrôle tout...

Au début de l'album entre en scène Zachary Buzz, Zach pour les intimes, un bon gars venu de la campagne profonde, qui rêve de devenir agent de police. Attention, pas ilotier dans le quartier du coin ! Non, ce dont il rêve, c'est de devenir un policier star, tendance justicier. Comme l'idole de son enfance, Overtime, que l'on croise à de nombreuses reprises dans cet album...

(c) Futuropolis, Brunschwig / Ricci

C'est ainsi qu'un beau jour de décembre 2058, il débarque à Monplaisir, où la justice est mise en scène façon "TV show", terrain de jeu idéal pour un justicier. Zach entre donc à l'académie de police locale, plein d'espoirs et d'illusions, qui vont vite être confrontés à la réalité: à Monplaisir, on ne s'intéresse pas aux petits délits, mais plutôt aux grandes affaires criminelles, plus propices au spectacle, et donc à capter l'attention d'un public qui ne vit que pour l'amusement. Monplaisir n'est pas une sorte de Las Vegas puissance 1000 pour rien...

Un an plus tard, alors que s'achève sa formation au terme de laquelle il pourrait être désigné nouvel interceptor (super-flic de la cité), Zach échoue face à Isham, son rival. C'est donc à ce dernier qu'incombe la prochaine arrestation, transformée comme à chaque fois, en traque télévisée, retransmise sur tous les écrans de la ville. Comment Zach se serait-il débrouillé face à la situation, et se serait-il mieux prêté qu'Isham au jeu de la poursuite spéctaculaire d'un célèbre tueur à gage ? Alors que Zach rentre chez lui ruminer ses espoirs déçus, on va vite comprendre que la police-spectacle, c'est peut-être aussi bien qu'il ait pu y échapper...

Comme je le disais plus haut, ce premier tome sort du lot, et on sent qu'il est écrit par un scénariste rompu aux histoires bien ficelées. Sur ce premier tome, il parvient à la fois à nous présenter un personnage attachant, par sa naïveté, et surtout à nous montrer comment fonctionne Monplaisir, le tout habillé autour d'une folle course-poursuite qui occupe tout le dernier tiers de l'album. Mais l'intérêt réside surtout dans la mise en scène de tout ceci: les auteurs se font plaisir avec de savantes mises en abyme, des couleurs qui basculent parfois  du mode "à l'ancienne" au mode "assistance informatique" pour simuler le passage à un dessin animé, toutes les techniques sont bonnes pour dynamiser le récit. Ils vont parfois même jusqu'à jouer avec le lecteur, en le faisant inconsciemment participer à l'histoire (oui, on se surprend à parier aussi sur l'issu de la première course-poursuite d'Isham). Une fois la lecture terminée, il pourra revenir dessus pour tenter de décortiquer les dessins et y trouver les clins d'oeil et autres références que Roberto Ricci a disséminés au long de l'album.

Ricci, justement, parlons-en. Le travail réalisé par ce dessinateur italien est réellement superbe, associant à la fois un style original, une mise en couleur magnifique, et des éclairages maîtrisés. Sur ce dernier point d'ailleurs, on jurerait que le directeur photo de Blade Runner est passé pour la mise en lumière de certaines décors (notamment l'appartement de Zach). On sent à la lecture de l'album que Roberto Ricci s'est amusé à le dessiner, avec tous ces petits détails cachés partout. Son univers est réussi, la ville est grandiose, et aucune case ne cède à la paresse et/ou facilité.

(c) Futuropolis, Brunschwig / Ricci

Vous l'aurez donc compris, une nouvelle fois je vous invite fortement à jeter un oeil sur cet excellente BD. Cela va être fichtrement long d'attendre la suite, mais quand on voit le travail fourni, il est évident  qu'il faudra bien plus de 6 mois pour tenir le tome 2 entre les mains...

Pour en découvrir plus:
  • la preview de l'album, avec les premières pages, sur BDGest
  • le blog du dessinateur Roberto Ricci
  • une interview de Luc Brunschwig sur Scene-ario
Note finale:
Un premier tome qui laisse présager le meilleur. Un univers unique, un personnage attachant, un scénario bien ficelé, et un dessin magnifique, du tout bon !

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