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mardi 12 juin 2012

La Mémoire de l'Eau tome 1 (sur www.croiseedesmondes.fr)




 
L'activité sur le nouveau blog La Croisée des Mondes continue, avec la publication d'un nouvel avis sur La Mémoire de l'Eau, première partie.
Pour lire l'article, c'est par ici.
Un très bel album, qui même si son histoire est tout simple, saura vous faire passer un bon moment.
A bientôt sur l'autre blog ;).

mardi 5 juin 2012

Agito Cosmos T1 "Aquaviva" (sur www.croiseedesmondes.fr)


Comme indiqué dans le précédent post, le blog a déménagé sur www.croiseedesmondes.fr, et les chroniques d'album ont repris, notamment avec la mise en ligne d'un avis sur une BD qui me tient à coeur: Agito Cosmos.

Pour lire l'article, c'est par ici.

Cela a été un vrai coup de coeur, et je vous conseille vraiment d'y jeter un oeil.

A bientôt sur l'autre blog, je l'espère ;).

mercredi 22 février 2012

[Avis] Fraternity Livre 2/2 par Díaz Canales & Munuera, éd. Dargaud

Pour une fois, j'ai battu le fer tant qu'il était chaud. Comme je viens de lire le premier tome de ce diptyque, j'ai acheté le second dans la foulée, et je l'ai lu aussitôt. C'était le meilleur moyen d'avoir l'histoire bien en tête.

Cette seconde partie est la suite directe de la première. On retourne donc à New Fraternity, cette communauté fondée par un riche utopiste qui rêve qu'hommes et femmes de toutes races puissent vivre paisiblement ensemble, en partageant le fruit de leur travail. On a pu voir dans le précédent opus que ce rêve s'est petit à petit effiloché, et que les temps difficiles que vivent les villageois ont eu raison de leurs idéaux. De plus ils ont mis la main sur la bête immonde qui hantait les forêts environnantes, celle-là même qui semble étrangement liée à Emile, l'enfant sauvage recueilli quelques années auparavant. McCorman, le fondateur de la communauté, étant malade et très affaibli, les complots ourdissent dans l'ombre, et certains ont décidé qu'il était temps de reprendre leur destin en main. Quelques uns pensent qu'il faut suivre la voix de Dieu, qui doit forcément leur avoir envoyé la Bête pour les soumettre à une épreuve. D'autres pensent qu'il n'est plus possible de travailler pour nourrir les autres, plus feignants qu'eux. D'autres encore décident qu'il faut renvoyer les déserteurs de la communauté... Le retour d'Alexander Laffite va achever de ternir le tableau, lui dont est éprise la belle et convoitée Fanny, au grand malheur de Josiah, qui va alors s'engager définitivement sur la mauvaise voie... Les tensions montent, les caractères s'affirment, les relations s'enveniment, jusqu'à un climax sanglant, lorsque la bête se libère et se déchaîne au cœur de la communauté...

Comment attendu, ce second tome est celui de l'explosion. Là où le premier posait l'ambiance (trop ?) tranquillement, celui-ci s'accélère (trop ?) et passe aux choses sérieuses. Il aurait à mon avis fallu un meilleur équilibre réparti sur les deux tomes. Car le résultat, c'est que le second se lit en à peine plus d'un quart d'heure.

(c) Díaz Canales / Munuera / Dargaud
Je suis persuadé que cette BD gagnerait à être réunie en un seul volume. C'est purement psychologique, puisque lorsqu'on a les deux, on peut les enchaîner, mais je trouve que pour ceux qui ont dû attendre entre la lecture du tome 1 et du tome 2, cette conclusion vitesse grand V a dû être un peu frustrante. Malgré tout, l'ensemble forme une histoire cohérente, mais surtout intrigante avec cette fin ouverte, qui à coup sûr en énervera plus d'un.
[attention, importants spoilers dans la partie en italique] 
La grande réussite de l'album est surtout les interrogations que suscite la bête. On ne sait pas d'où elle vient, ni quel est son lien avec Emile, et au final on referme le livre 2 sans le savoir. Cela renforce son côté symbolique, et on se surprend, après avoir fini cette histoire, à essayer d'en comprendre la signification. A défaut de trouver une explication simple, on peut au moins remarquer que c'est lorsqu'elle fait irruption dans le village que la communauté vit ses derniers instants. J'ai comme l'impression qu'elle matérialise en quelque sorte la part sombre de l'Homme, qui a été mise de côté, à l'extérieur du village lorsque s'est créée la communauté. De cette manière, elle représentait un peu la menace de la Société extérieure à la communauté: la cupidité, l’égoïsme, la violence, l'inégalité, etc. Et lorsque les villageois la font pénétrer dans le village, c'est un peu comme s'ils achevaient de réintégrer ces notions en eux, faisant ainsi imploser la communauté. 
Quand au lien qui unie la bête et l'enfant, il est plus difficile à interpréter. On peut imaginer malgré tout que les deux sont liés comme le sont intimement l'innocence et la perversion en nous, et qu'avoir accueilli la première dans le village, fait qu'automatiquement la seconde va suivre. L'un ne va pas sans l'autre. On peut d'ailleurs constater que lorsqu'à la fin l'enfant rejoint une autre communauté, la bête, pourtant laissée pour morte, semble l'avoir suivi...

(c) Díaz Canales / Munuera / Dargaud
Comme vous aurez pu le constater, pour un diptyque qui ne m'a pas 100% convaincu, il donne quand même à réfléchir. C'est un mérité que l'on peut donc attribuer au scénario.

Pour le reste, la partie graphique est à la hauteur du précédent tome, là aussi avec un climax matérialisé par une superbe double page illustrant la bête sur le clocher du village. Les planches sont superbes, on a le droit à de nombreuses grandes cases, pour le plus grand plaisir de nos mirettes. Munuera est définitivement entré dans la cour des grands pour moi. La mise en couleur n'est pas en reste, là encore elle apporte son appui à l'ambiance, par des tons sombres, des atmosphères troubles, embrumées...
En résumé:
Une série qu'il serait bon d'acquérir d'un bloc pour en apprécier la substance, en partant du principe que sa lecture n'apportera pas toutes les réponses aux questions soulevées. Les auteurs nous laissent libres de notre interprétation, et c'est finalement assez peu courant dans la BD mainstream. Si Dargaud réunit un jour le tout en une intégrale, ça sera parfait !

mardi 21 février 2012

[Avis] Post Mortem de Maurel aux éd. Gallimard

Pour avoir de la main d’œuvre gratuite, le gouvernement a décidé de faire revenir les morts parmi nous. Finies les corvées, on refile toutes les tâches ingrates aux post mortems ! Ça, c'était la théorie. Dans la pratique, les employeurs ont vite compris que ces travailleurs gratuits pouvaient tout aussi bien remplacer n'importe quel salarié... Par la faute de ce détournement, le taux de chômage augmente, à mesure que la population active perd ses emplois aux profits des morts-vivants. Ce qui ne tarde pas à focaliser la grogne sociale sur eux, devenant la source de tous les maux de la société. Jérémy fait justement partie de ceux qui ne supportent plus les cadavres ambulants, d'autant plus qu'il vient lui-même de perdre son job, son patron ayant préféré le remplacer par un zombie. Sa vision des choses change radicalement lorsqu'à cause d'un accident, il bascule de l'autre côté, devenant à son tour un post mortem. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il se retrouve à travailler en usine, et subit alors le mépris et les railleries de ses collègues à son encontre. Il découvre ainsi l'enfer que vivent les morts-vivants au quotidien...

(c) Maurel / Gallimard
Depuis quelques temps, nous vivons un fort regain de popularité vis à vis des histoires de zombies. Pierre Maurel a choisi de traiter le sujet de manière totalement originale, tout en insufflant  une bonne dose de critique sociale (dans la pure tradition Romero, quelque part). Cette idée de départ qui voit le gouvernement créer les zombies de toute pièce est une bonne trouvaille, car les évènements qui en découlent permettent à l'auteur de faire un tas de parallèles avec notre société, voire même avec notre Histoire de manière générale. Les post mortems sont exclus, stigmatisés, haïs, victimes de violences de la part de milices constituées de citoyens anti morts-vivants. Et le sort qu'on leur réserve est terrible.

On peut bien évidemment remplacer les post mortems par les immigrés, et tirer les conclusions de cette très bonne BD... Mais plus largement, on y traite aussi d'esclavage, de racisme (ordinaire ou pas), et même de la déportation... L'auteur créé une société au sein de laquelle les conditions sont réunies pour qu'à nouveau soient commises les pires atrocités: tension sociale, précarité, haine, tous les ingrédients qui finissent par aboutir au pire. Ce n'est pas sans rappeler non plus notre époque actuelle, ou la tension sociale fait qu'il ne faudrait pas grand chose pour que ça dégénère aussi...

(c) Maurel / Gallimard
En plus du fond, la forme est également réussie. La BD, qui a priori est un one-shot, se lit d'une traite et le dessin apporte un plus à ce type d'histoire. La mouvance dont fait partie l'auteur (même si je n'aime pas particulièrement faire ce genre de classification), au style plutôt indépendant/underground, semi-réaliste, est plutôt souvent ancré dans la réalité et le quotidien (et c'est le cas quand même ici), mais lorgne plus rarement vers le fantastique. Et c'est qui apporte de la fraîcheur au genre. Gallimard a aussi fait du bon boulot sur l'objet en lui-même, j'adore ce genre de BD petit format, à forte pagination (90 planches), avec une belle couverture cartonnée, pelliculage mat du plus bel effet.

(c) Maurel / Gallimard
En résumé:
Un scénario original et excellent, qui tient en halène, un style graphique percutant, qui forment une bien bonne histoire de zombies, sur fond de critique sociale. On appelle ça de la "politique fiction", parait-il... On en redemande, et je vais du coup tenter de mettre la main sur Blackbird, du même auteur édité chez L'Employé du Moi.

vendredi 17 février 2012

[Avis] Hel tome 1 "L'Eveil de la Bête" par Renaud & Beaupuis, éd. Delcourt

Aujourd'hui chronique d'un titre pas très récent, je l'avoue, car je le découvre sur le tard. La BD, c'est un peu comme le bon vin, il faut parfois laisser mûrir un album avant de le lire. On dira que c'est pour ça que j'étais passé à côté. :D

L'album démarre sur une très belle scène d'introduction nous présentant Hel dans ses oeuvres: le vol de reliques humaines. La belle, couverte de tatouages tribaux apparus spontanément à sa puberté, possède des pouvoirs aussi intrigants que pratiques dans l'exercice de son activité. Comme par exemple la possibilité de traverser la matière. Il lui est donc très facile d'aller dérober le "janus" (une sorte d'embryon formé de la symbiose de deux êtres humains, conservé dans un joli bocal de formol) convoité par un couple d'artistes marginaux. Ces derniers sont fascinés par tout ce qui touche au corps humain, à sa transformation ou à son amélioration. Ils font donc régulièrement appel aux services de Hel pour obtenir de quoi agrémenter leur collection macabre. Ce milieu d'amateurs fonctionnant plutôt en cercle fermé, un célèbre et puissant mécène, Fortunio Damanos, grand collectionneurs à ses heures perdues, ne tarde pas à se manifester auprès du couple d'artistes. Il est lui aussi intéressé par ce même Janus, et s'invite au vernissage d'une de leurs expositions. Hel lui est par ailleurs présentée à cette occasion, et l'homme semble particulièrement intéressé par la demoiselle. Cette dernière, au détour d'une conversation, est intriguée par une des pièces de collection dont se vante Damanos: un janus tatoué, et ce depuis le stade de foetus. Elle s'imagine alors qu'en s'introduisant chez lui, elle trouverait probablement un moyen d'en apprendre un peu plus sur l'origine de ses propres tatouages, qui ne semblent pas étrangers à ses pouvoirs. Mais il se pourrait bien que Damanos classe la belle un cran au-dessus des autres pièces de sa collection, et qu'il lui réserve un accueil privilégié...

La première claque de cette BD est graphique. Le niveau est très élevé, et pour un premier album, on reste scotché par la qualité de dessin présentée par certaines planches. Vu le sujet abordé, on image déjà très bien que l'auteur maîtrise l'anatomie, mais au-delà de ça, la dessinatrice fait preuve d'une incroyable maîtrise de l'architecture. Les décors sont époustouflants de détail. Si on ajoute à cela une mise en couleur de circonstance, avec des tons froids qui contribuent à instiller une ambiance particulière à l'album, on se dit qu'on tient là une BD déjà prometteuse.

(c) Renaud / Beaupuis / Delcourt

Et on a de la chance, car le scénario est à la hauteur de la partie graphique, avec une histoire dense aux séquences de dialogue touffues, et une narration bien développée, sans temps mort. Le récit entre directement dans le vif du sujet, les personnages sont bien amenés et on sent qu'ils ont de la profondeur, en plus de leur côté atypique. Anne Renaud est co-signataire du scénario, pour lequel elle s'est adjoint les services d'un ami, Yannick Beaupuis, afin de tout mettre en forme, ayant déjà fort à faire avec le dessin. L'avantage, c'est que l'histoire est taillée sur mesure pour son talent et ses goûts, et cela se ressent quand on voit le travail appliqué qui est fourni. Il faut dire qu'entre les premiers aperçus de Hel en 2002 et la sortie en 2007 du premier tome, il fallait vraiment que le projet motive sa créatrice pour aller jusqu'au bout. L'équipe a visiblement réussi son pari.

(c) Renaud / Beaupuis / Delcourt
En terme d'influences, on ne peut s'empêcher de penser à Matrix, visuellement. On a pas mal de clins d'oeil disséminés, que ce soit le look et le physique de l'héroïne qui rappelle Trinity, la séquence d'introduction aérienne et nocturne avec sauts entre les gratte-ciels, le ton parfois vert donné à l'éclairage, jusqu'à même certaines cases qui sont très explicites. La référence ne s'arrête pas là, car le monde underground dans lequel se déroule l'histoire rappelle là encore la célèbre trilogie (notamment tout l'univers du Mérovingien, pour les fans). Référence volontaire ou pas (pas trop de doute pour ma part), on peut en tout cas constater qu'Anne Renaud partage quelques goûts esthétiques avec le duo Wachowski.

En tout cas, on passe un très bon moment avec cet album, le scénario est très prenant, et sait prendre une tournure inattendue, surtout à partir du moment où l'héroïne pénètre dans l'antre de Damanos. Elle y fait une rencontre avec un drôle d'adversaire (dont je vous laisse la surprise), et on en apprend un peu plus sur le rôle de ses tatouages. Toute semble possible dans l'univers de Hel, et on a du coup hâte de découvrir la suite, même si elle tarde à sortir: rien à l'horizon depuis 2007. Mais vu le boulot abattu sur le premier tome, on peut comprendre que l'auteur ait besoin de temps. 

Si vous voulez en savoir plus sur Anne Renaud, je vous invite à découvrir son blog (même s'il n'est plus très à jour), vous pourrez y découvrir l'envers du décor, avec notamment des crayonnés qui ne laissent aucun doute sur le talent de l'artiste...
En résumé:
Un premier tome excellent. Dessin impeccable à tous les niveaux,  scénario réussi, univers très travaillé. Tout y est bien dosé: action, suspens, psychologie, mystère... Ce démarrage de série s'annonce donc très prometteur, et on espère vivement pouvoir profiter de la suite dans un avenir proche.

mercredi 15 février 2012

[Avis] Fraternity Livre 1/2 par Díaz Canales & Munuera, éd. Dargaud

Duo prestigieux pour cet album, en la présence de Juan Díaz Canales (Blacksad) et Jose Luis Munuera (Merlin, Spirou, Le Signe de La Lune). Forcément cela crée des attentes.

Au fin fond de l'Indiana, alors que la Guerre de Sécession fait rage entre Nordistes et Sudistes, un groupe d'hommes et de femmes tente, non sans mal, de faire vivre la petite colonie de New Fraternity. Ce petit village reclus, fonctionnant en autarcie selon un modèle sociétal basé sur l'égalité, la fraternité et le partage entre ses citoyens, est sur le déclin (le socialisme utopique revisité). La communauté a été fondée par Robert McCorman, un riche utopiste persuadé qu'un nouveau mode de vie peut se développer au sein d'une nation fraîchement constituée. Tant bien que mal, il tente de maintenir le navire à flot, mais déjà des dissensions se font sentir, à mesure que les ressources des villageois s'amenuisent, et qu'il apparaît que tout le monde ne met pas le même cœur à l'ouvrage. C'est l'arrivée d'un jeune enfant sauvage, Emile, recueilli au milieu de la forêt avoisinante, qui va définitivement installer un climat délétère dans la communauté, d'autant qu'il est suspecté d'avoir un lien avec une féroce et mystérieuse bête qui décime les élevages des villageois. Quand en plus il ramène, contre son gré, un groupe de déserteurs Nordistes, Noirs de surcroît, les beaux principes et les belles valeurs de la communauté ne vont pas tarder à voler en éclat...

Une bande-annonce officielle:



Premier constat: graphiquement c'est superbe. J'adore le trait de Munuera depuis très longtemps (voir l'excellente série-pour-enfant-mais-pas-que Merlin), et là c'est franchement de haute volée. Il a su développer un style personnel, facilement identifiable, qui s'affirme un peu plus encore dans cette BD. J'adore parce que c'est dynamique, expressif, plein de vie, super bien découpé. Bref c'est le gros point fort.

(c) Díaz Canales / Munuera / Dargaud
La mise en couleur n'est pas en reste. Très réussie, j'ai trouvé qu'elle apportait une ambiance crépusculaire, restituant bien l'atmosphère d'une communauté sur le déclin, voire même l'époque sombre et les évènements qui s'y déroulent.

Passons maintenant à l'histoire en elle-même. Là, j'émets plus de réserves. J'ai trouvé ça intéressant, mais on a du mal à cerner où cela va. Il y a tellement d'éléments installés dans cette première partie qu'on imagine difficilement comment tout pourra être solutionné dans le second (et dernier) tome. Malgré tout, on dévore l'album en guettant le moment où cela va basculer: malheureusement, cela sera réservé au second tome... 

Au final les auteurs nous abandonnent des questions plein la tête. Quelle est cette bête qui hante la forêt ? Quel est son lien avec l'enfant ? Qui sont ces trois déserteurs et de quoi/qui se cachent-ils ? Quel secret cache le labyrinthe jouxtant le village ? Sans compter les coups tordus qui se trament dans l'ombre de la part de certains membres de la communauté... Cela fait quand même un paquet de trucs en suspens...

(c) Díaz Canales / Munuera / Dargaud
En résumé:
Cela fait de ce premier tome un album dense (comme sa pagination, 54 planches), dans lequel on a un peu le sentiment d'être perdu, mais qui capte quand même l'intérêt. L'avantage des diptyques comme Fraternity, c'est que lorsqu'on a une première partie qui pose méthodiquement les bases, en règle générale la seconde se consacre à l'action. On peut donc espérer que le livre 2 vienne contre-balancer le précédent, et clore le tout en apothéose.

lundi 13 février 2012

[Avis] La Bête du Lac tome 1 "Le Gardien" par Lapierre et Boutin-Gagné aux éd. Glénat Québec

L'histoire nous embarque pour Lac-à-l'Ombre, petit village isolé au fond des terres forestières québecoises enneigées, à une époque qui pourrait sembler être le début du XXème siècle. On y fait la connaissance d'Ovide, inquiet suite à la disparition de son frère jumeau Gédéon, qui n'a pas pointé le bout de son nez depuis plus d'un mois. Au cours de recherches par ailleurs infructueuses, Ovide retrouve le chien de son frère, à moitié mort de fin. Il ramène l'animal affaibli au village afin de lui apporter quelques soins, et tenant là enfin un indice sérieux, il décide de le mettre à contribution. Le chien, visiblement perturbé et apeuré à l'idée de repartir à l'aventure loin du village, lui permet de remonter une piste qui le mène au bord d'un lac gelé. Au milieu de celui-ci, il rencontre une demoiselle un peu dévêtue, baignant à moitié dans l'eau, bravant des températures pour le moins glaciales. Vous l'aurez deviné, il s'agit de la sirène présente sur la couverture ! Passé la surprise et après une discussion avec elle, Ovide apprend ce qu'il est advenu de son frère, dont le destin semblerait avoir été scellé par le maître des lieux: un gigantesque monstre lacustre...

(c) Lapierre / Boutin-Gagné / Glénat Québec
Voilà enfin une histoire à l'ambiance originale. J'avais envie d'un album qui change un peu, qui lorgne plus vers le fantastique, le vrai. Et c'est en cherchant parmi les titres parus récemment que je suis tombé sur ce premier tome aux origines québecoises. Je me suis dit que cela serait une occasion d'être un peu dépaysé, et je n'ai pas été déçu.

Il existe au Québec (comme partout ailleurs dans le monde), pas mal de légendes mettant en scène un monstre qui soit-disant hanterait les eaux du lac du coin. Les plus connus sont visiblement les monstres du Lac Pohénégamook (exercice de diction: répétez "Pohénégamook" 5 fois d'affilée sans vous planter :D), ou encore le dragon du Lac Memphrémagog. C'est de cette mémoire collective que François Lapierre s'est inspiré pour son scénario.

Alors certes, j'aurais aimé que l'histoire entre un peu plus vite dans le vif du sujet, non pas que l'on s'ennuie, pas un seul instant, mais on a l'impression qu'au début il y a plusieurs faux départs avant que cela ne démarre franchement. Malgré tout, pour un premier tome, on a un album qui raconte vraiment quelque chose. Et ça de nos jours, c'est une grande qualité. Il y a peut-être aussi un peu trop de personnages, et on se demande d'ailleurs si cette quantité ne sert pas un peu de chair à canon (faut bien lui donner à bouffer, à la Bête du Lac :D). Mais tout cela se tient, et les personnages centraux sont intéressants et bien étudiés. L'histoire prend de l'ampleur petit à petit, pour s'accélérer grandement à la fin, et nous laisser sur une attente alléchante. Mission accomplie !

Côté dessin, j'ai beaucoup apprécié le style graphique de l'auteur, une sorte de croisement lointain à mi-chemin entre Mignola et Loisel. c'est le point fort de cet album. J'apprécie tout particulièrement les planches dont le trait est plus fin, à l'image de la couverture, ou encore la petite histoire bonus (qui semble avoir été dessinée il y a plus longtemps). La grosse bestiole est bien réussie également. J'ai juste un bémol sur certaines cases dont le dessin apparaît plus gras, un peu comme si cela avait été zoomé ou agrandi. Mais cela reste anecdotique et rare. C'est en tout cas un auteur très prometteur, qui sort d'ailleurs bientôt un nouvel album chez Soleil, "Brögunn", dont la couverture n'est pas sans rappeler celle de la Bête du Lac dans sa mise en scène ;).

(c) Lapierre / Boutin-Gagné / Glénat Québec

En résumé:
A l'heure où il est difficile de trouver un premier tome qui sort du lot, il est intéressant de jeter un œil à cette nouvelle série aux qualités certaines, d'autant que les dernières pages augurent d'un second tome palpitant, le scénariste nous dévoilant un élément de mystère sur les origines de la bête. Le tome 2 sera donc celui de la confirmation du potentiel contenu dans les promesses de cette introduction réussie.



lundi 26 décembre 2011

[Avis] Lupus volume 2 de Peeters, aux éd. Atrabile

J'ai récemment acheté la suite de Lupus, série pour laquelle j'avais eu un coup de coeur à la lecture du premier tome. Mon impression se confirme avec le tome 2, que j'ai même préféré au précédent. J'ai vraiment passé un super moment, qui m'a transporté ailleurs. Dans un endroit où j'aurais bien aimé rester...

L'histoire redémarre là où on l'avait laissée. Lupus et Saana ont fui après que le premier a tué un sbire du père de Saana, chargé de la retrouver. Les deux fuyards doivent se cacher au plus vite, et pour cela Lupus décide qu'il faut se mettre au vert, littéralement. En effet, Saana n'a jamais vu d'arbre de sa vie, sa planète natale étant plutôt de type désertique. Ils mettent donc le cap sur Nécro, une planète qui fait office de maison de retraite, où tous les vieillards sont rassemblés pour terminer leur vie. Un endroit qui promet d'être calme, qui leur permettra peut-être de se faire oublier. Sur place, ils font la connaissance d'un vieil homme qui leur propose de les héberger dans un lieu idéal: reclus, et exempt de tout appareil technologique.

Il est difficile d'expliquer ce qu'on ressent à la lecture de Lupus, d'autant que personne ne vivra la même expérience. Pour ma part, j'ai embarqué à bord de la navette de nos deux héros, et j'ai pris plaisir à les suivre au cours de l'album, dans une histoire qui prend son temps, sans grande scène d'action, juste des moments de vie. C'est parfois contemplatif, parfois peu bavard, mais toujours plein de sens, d'introspection. Lupus se cherche, et le lecteur se prend à s'imaginer à sa place. On le voit tranquillement retrouver la saveur d'une vie normale, loin de la technologie, loin des psychtropes, aux côtés d'une jolie fille pour laquelle il en pince, sans le lui avouer.

(c) Peeters / Atrabile
J'ai beaucoup aimé aussi cette petite tribu de vieux anars, vivant un peu à la manière d'Amish du futur, refusant l'emploi d'appareils modernes, préférant une vie à l'ancienne, paisible. Cela permet à l'auteur de développer un cadre intimiste pour ses personnages, en contradiction avec l'ambiance habituelle des histoires de SF, souvent remplies de gadgets en tout genre. Ici l'aventure est à dimension humaine, l'action est avant tout introspective.

J'ai parfois pensé à Isaac le Pirate dans l'espace en lisant cette BD. Cela n'a pourtant rien à voir, mais pourtant, les mêmes sentiments m'habitent à sa lecture, allez savoir pourquoi...

(c) Peeters / Atrabile
Le dessin est magnifique, mieux encore que sur le précédent volume, il fait bien passer les sentiments de Lupus, avec l'avantage qu'apporte le noir et blanc à ce propos, permettant des jeux d'opposition de contrastes, comme pour marquer l'oppression ou le bien-être des personnages. Les décors ne sont pas en reste, et ce sont eux avant tout qui nous rappellent qu'on est bien dans une histoire de science-fiction, à la faune et la flore pleine d'inventivité. Finalement la SF permet surtout de placer les personnages dans un contexte qui les expose à des situations peu ordinaires, laissant libre cours à l'auteur pour développer son propos.

Voilà je ne vois pas quoi dire d'autre sur cet album, je crois que de toute façon je ne saurai pas me mettre au niveau de son contenu quoiqu'il arrive. J'ai juste hâte de me plonger dans la suite, en priant pour que cela continue avec la même qualité. De plus, le cliffhanger final de l'album donne bien envie ;).

Note finale:
Une BD de SF hors norme, qui prend le temps de vivre, et qui vous donne à réfléchir. Un album qui prend son lecteur au sérieux. A conseiller pour ceux qui veulent être dépaysés dans tous les sens du terme...

mercredi 14 décembre 2011

[Avis] Yiya T.1 "Le Mangeur de Chagrin" de Pecqueur et V. Gajic aux éd. Delcourt

L'histoire débute en 2020. Un mystérieux aviateur amerrit en catastrophe dans un port du nord de la Russie, en pleine tempête. Shun, c'est son nom, débarque dans un troquet à la recherche d'un marin pour l'emmener sur l'Ile d'Orbe. Mais la météo décourage tout le monde. Seule Yiya, une jeune gamine orpheline, se propose de l'amener jusqu'à son "fiancé" Rogo (lui ne se voit que comme un frère), qui pourrait faire quelque chose pour Shun. Le problème, c'est que ce dernier est derrière les barreaux suite à une bagarre. Il faut donc payer sa caution en échange du voyage. Shun s’exécute, et peu de temps après tout le monde part en bateau en direction de l'île. Au beau milieu du trajet, alors qu'ils sont encore à quelques milles de leur destination, Shun fait stopper le navire: il veut plonger à cet endroit précis, malgré la mer démontée, et il paie grassement le marin pour qu'il accepte de lui prêter son scaphandre. Alors qu'il se prépare à l'opération, une vague manque de faire chavirer le bateau, et renverse tout le monde à bord. Shun, qui descendait les escaliers, fait une chute mortelle, et il a juste le temps avant de passer l'arme à gauche de parler à Rogo d'un trésor caché dans les profondeurs... Bravant la tempête, Rogo décide de plonger, appâté par la perspective de faire fortune... C'est ainsi que Yiya perd la seule famille qui lui restait. Elle décide alors de retourner sur les lieux le lendemain, pour tenter de renflouer le corps de son "frère", et lui offrir ainsi une sépulture décente. Mais c'est sans compter sur l'incroyable découverte qu'elle va faire dans les profondeurs marine: un monde insoupçonné, et peu accueillant,  s'ouvre à elle...

(c) Pecqueur - Gajic / éd. Delcourt
Daniel Pecqueur, déjà scénariste entre autres de Golden City et Arctica, débute une nouvelle série, de nouveau en lien avec la mer. Il collabore cette fois-ci avec un autre dessinateur talentueux, Vukasin Gajic (à ne pas confondre avec son frère Aleksa Gajic, dessinateur du Fléau des Dieux). Le duo livre un premier album plutôt sympathique, bien que parfois un peu bancal. Côté dessin, c'est tout simplement magnifique, aussi bien le trait que les décors, ou encore la mise en couleur. V.Gajic nous met en scène une ambiance et une atmosphère particulièrement réussies, très en phase avec l'histoire, qu'elle souligne intelligemment par des couleurs qui s'adaptent à la séquence ou aux lieux représentés. Le dessin est vraiment au service de l'histoire, et est un vrai régal pour nos mirettes.

C'est au niveau du scénario qu'il y a un petit quelque chose qui me gène. Dans son ensemble, l'histoire est réussie, et parvient à capter l'attention du lecteur de bout en bout. L'introduction est parfaite, avec l'arrivée de Shun, puis la présentation de l'histoire qui a lié Yiya et Rogo sous forme de flashback. C'est très fluide. Le problème se situe plutôt au niveau du monde sous-marin. Il arrive un peu de manière brutale dans l'histoire, et est complètement déphasé par rapport au monde en surface. D'un côté on a un monde presque contemporain, réaliste, et de l'autre un monde diamétralement opposé, avec des créatures étranges, des pouvoirs magiques. On me dira que pourtant cela s'est déjà vu dans bon nombre d'histoires. C'est vrai, mais je trouve qu'il manque quelque chose pour lier les deux. On en apprendra certainement plus dans le prochain opus, mais pour le moment c'est comme si ces deux mondes avaient cohabité sans jamais intéragir l'un sur l'autre. Le seul élément qui les lie c'est Shun, et on ne sait de lui que très peu. C'est bien entendu voulu par le scénariste, à n'en pas douter, mais je trouve qu'en surface on vit trop comme si de rien n'était, même Yiya lorsqu'elle y retourne agit comme si une telle découverte avait à peine bouleversé ses habitudes. Je chipote certainement, mais c'est le sentiment que j'ai eu à la lecture de l'album.

(c) Pecqueur - Gajic / éd. Delcourt

Ceci dit, cela ne m'empêche pas d'avoir accroché à l'histoire, et de me dire que potentiellement la suite pourrait s'avérer captivante lorsqu'on en saura plus. La fin est à ce titre bien accrocheuse, avec une dernière révélation qui suscite l'envie de savoir ce qu'il va se passer. C'est toujours le problème avec les premiers tomes, on ne peut pas tout avoir dès le début. Je serai donc là pour le tome 2, à n'en pas douter. J'ai envie de retrouver ce monde étrange, peuplé de créatures et d'entités qui éveillent la curiosité, en espérant que les auteurs nous en apprennent cette fois-ci beaucoup plus !

Note finale:
Une série qui demande à confirmer un potentiel déjà bien présent, et qui bénéficie déjà d'un personnage principal attachant. Un premier tome graphiquement maîtrisé par V. Gajic, qui a fait un super bon boulot pour la mise en image.

lundi 12 décembre 2011

[Avis] Le Protocole Pelican T.1 de Marazano & Ponzio aux éd. Dargaud

A travers le monde, onze inconnus se font enlever, et conduire dans une base secrète. Ils y sont enfermés chacun dans une cellule, sous le contrôle de gardiens qui eux-mêmes ne savent pas trop pourquoi ils sont là. Seul le Docteur Kresse, à la tête d'une équipe de scientifiques chargée d'étudier les captifs, semble savoir de quoi il retourne. Les onze personnes font visiblement l'objet d'une expérience mystérieuse, et leur comportement est scruté dans les moindres détails. Un par un, ils sont questionnés, interrogés, mais personne ne paraît pour autant en vouloir à leur intégrité physique. La torture est avant tout psychologique. Mais alors, que font-ils dans cet endroit ? Tout le reste du personnel n'est pas trop sûr de ce qui se trame, et d'ailleurs dans quelle mesure ne feraient-ils pas eux-mêmes partie de l'expérience ? Quoi qu'il en soit, Isabel, l'une des détenues les plus récalcitrantes, ne compte pas moisir entre quatre murs. Elle est bien décidée à s'échapper de là...

Voici un premier tome bien enthousiasmant. Le scénario est une machine impeccablement huilée, et cela démarre très vite. Aucun temps mort, et on se prend à essayer de comprendre à quoi exactement sont soumis les sujets de l'expérience. Le scénariste distille quelques infos ça et là, au compte goutte. Cela ressemble à s'y méprendre à l'expérience Milgram, qui était une étude psycho-sociologique portant sur l’obéissance d'un individu face à des ordres contraires à sa propre morale. Le comportement des gardiens de cellule, voire même des scientifiques, n'est pas sans évoquer cette expérience menée dans les années 60, et qui fut sujet à controverse. Finalement, tous les personnages participants au Protocole Pélican paraissent n'être que de vulgaires marionnettes, manipulées dans l'ombre par un obscur "club" de puissants peu scrupuleux...

(c) Marazano - Ponzio / Dargaud
A la lecture de cet album, le lecteur se sentira lui-même sujet de l'expérience, un peu comme s'il était le douzième et mystérieux sujet, pour le moment étrangement absent. La série, prévue en quatre tomes, s'annonce palpitante, et on espère qu'elle va continuer sur cette lancée. Tous les ingrédients sont là pour tenir en halène. Le seul petit reproche que l'on pourrait faire, c'est la difficulté à s'attacher pour le moment aux personnages, tant ils sont nombreux. On ne retient principalement qu'Isabel, sur laquelle l'histoire met fortement l'accent dès le départ.

(c) Marazano - Ponzio / Dargaud
Graphiquement, je trouve que la technique littéralement photo-réaliste de Jean-Michel Ponzio s'est grandement améliorée, et on finit même par oublier la méthode en lisant l'album. Tout juste reste-t-il une ou deux cases de gros plans sur des visages, qui ne paraissent pas naturels. Le dessin ne peut clairement plus être une barrière pour les détracteurs de ce style, et ne peut pas excuser de passer à côté d'une bonne série en devenir.

Pour finir, la bande-annonce officielle de Dargaud:


Note finale:
Un thriller psychologique, saupoudrée d'une -légère- pointe d'anticipation, très prometteur, dont on attendra avec intérêt la suite.

vendredi 25 novembre 2011

[Avis] Noé Tome 1 "Pour la Cruauté des Hommes" de Aronofsky, Handel et Henrichon aux éditions Le Lombard

Noé, descendant d'Adam, vit dans un monde désolé, aux terres arides et inhospitalières. La raréfaction des ressources y a exacerbé la barbarie enfouie au plus profond de l'Homme, et il serait bien temps qu'un châtiment arrive remette les choses en place. Noé souffre de visions, qui lui annoncent une grande catastrophe, sous la forme d'un déluge. Lui qui autrefois fut un Mage reconnu et influent, décide de tenter de prévenir ses congénères. Mais devant les railleries et la violence de ces derniers, il renonce à les sauver, persuadé que le but du Créateur est peut-être justement de les soumettre au jugement dernier... Noé se met en route pour le Mont Ararat, où il pourra se mettre à l'abri avec sa femme et ses enfants. De là bas, il pourra mettre en œuvre son choix: préserver les animaux. Mais pour rejoindre cet endroit, il doit traverser le domaine des Gardiens, ces géants qui ne portent guère l'Homme en leur coeur...

Pour la deuxième fois, après The Fountain, Darren Aronofsky, célèbre cinéaste, s'essaie à la BD. Cette fois-ci il nous en livre une à l'aspect très européen, aussi bien par le graphisme que par le découpage du dessinateur Niko Henrichon.

Noé est un album qui, à défaut d'être transcendant, se révèle d'une agréable lecture. Pour l'apprécier, il faut finalement s'intéresser à ce qu'Aronofsky tente de faire avec le mythe de Noé, qui est certainement un des personnages bibliques les plus connus, même pour les lecteurs athées et sans culture religieuse comme moi (cela m'a finalement certainement permis de mieux apprécier le scénario). On ne parle pas ici d'une adaptation littérale du mythe (encore heureux), mais plutôt d'une relecture de ce dernier.

(c) Aranofsky - Handel - Henrichon / Le Lombard
En lisant cet album, on subit un peu ce que j'appelle le syndrome Titanic, c'est à dire qu'on imagine un peu comment va se dérouler l'histoire. Donc, un peu à la manière du film de Cameron, c'est le chemin emprunté qui fait la différence. En l'occurrence, la transposition du mythe de Noé sur une Terre à la sauce médiévale-fantastique est assez réussie. On y trouve l'aspect grandiose à la fois dans le texte et dans les grandes cases faisant la part belle aux décors. Le clou est vraiment enfoncé par la qualité graphique de l'ensemble. Le trait d'Henrichon est superbe (par contre, pour parler purement de l'impression de l'ouvrage, on a le sentiment que la reproduction est parfois floue), sa mise en couleur l'est tout autant. Le monde qu'ont mis en place les auteurs parvient à faire oublier la dimension biblique de l'histoire, ce qui pour ma part est un critère de soulagement, car j'ai un peu de mal avec tout ce qui est religieux... Ceci dit, je trouve que le peu d'éléments bibliques qu'il reste, on aurait pu s'en passer. Car on croirait que l'on cherche à nous rappeler régulièrement qu'il s'agit bien de l'adaptation de l'histoire de Noé qu'on est en train de lire. Cela aurait tout aussi bien fonctionné en racontant l'histoire comme n'importe quelle autre, sans ces "panneaux de signalisation"... De toute manière, rien que le titre annonçait la couleur...

Autre aspect, dans l'air du temps: l'arrière-plan un peu écolo. L'histoire bénéficie d'une certaine résonnance contemporaine, en lien avec que ce l'Homme fait de sa planète, en épuisant la moindre de ses ressources. Heureusement, ce discours là n'est pas asséné lourdement, disons que c'est un petit plus qui apporte un peu de profondeur au propos, pour ceux qui en cherchent (bon et là, il ne fallait pas aller bien loin).

(c) Aranofsky - Handel - Henrichon / Le Lombard
En tout cas, la forte pagination de l'ensemble permet d'obtenir un premier tome bien construit, dont on a envie de connaître la suite, pour voir si finalement Aronofsky et Handel ne vont pas bifurquer un peu en cours de route, et prendre encore plus de liberté avec le mythe, histoire qu'on accroche un peu plus. J'ai beaucoup apprécié la dernière partie de l'album, qui me paraît être la plus inventive, avec une des plus belles séquences: la chute des anges sur Terre.

A noter pour l'anecdote que Noé était, jusqu'à il y a encore peu, une histoire que Darren Aronofsky projetait d'adapter au cinéma depuis un moment. Il avait semble-t-il choisit d'en faire une BD, faute de pouvoir en trouver le financement. Le Lombard a réalisé un bon coup en éditant cette BD (première mondiale en France, l'album ne sortant aux USA que l'année prochaine), et ils ont eu la chance côté timing, puisque début octobre, juste avant la parution de Noé chez nous, on a appris que la Paramount a signé un deal pour porter la BD à l'écran, avec un script repris sous la houlette de John Logan (Gladiator, Le Dernier Samouraï). Le but, apparemment, est de réaliser un film-catastrophe démesuré, à la "Roland Emmerich" (euh, bof la référence) dixit Aronofsky himself. En attendant, la BD s'étalera sur quatre albums, dont le dernier devrait paraître en 2014. Le film quant à lui, devrait entrer en production au printemps 2012, avec une sortie envisagée pour l'été 2013.


Pour terminer, une bande-annonce promo pour ce tome 1 de Noé:


Note finale:
Une relecture du mythe de Noé assez réussie, qui vaut pour le moment le détour surtout d'un point de vue graphique, le scénario ne devenant vraiment prenant que sur le dernier quart de l'album. Ceci dit, cela préfigure d'un second album intéressant si la suite reste de cet acabit.

jeudi 17 novembre 2011

[Avis] Bludzee de Trondheim aux éditions Delcourt

Bludzee est un petit chat noir qui s'ennuie, seul dans un appartement. Son maître n'a pas réapparu depuis un bon moment, et le chaton regarde sa réserve de croquettes diminuer inexorablement. Pour passer le temps, il explore l'appartement, chasse les mouches, chatte sur Facebook... Mais lorsque son stock de nourriture tombe à zéro, il doit partir à l'aventure, en dehors de l'appartement. C'est là qu'il va apprendre de fil en aiguille que son maître est un tueur à gage, qui l'a enlevé à sa mère pour ses griffes d'une longueur sans commune mesure. En effet, il forme les chatons à devenir des véritables armes meurtrières, et Bludzee est gâté par la nature avec ses griffes qui tiennent plus de Wolverine que de Garfield. Désormais libre, le chaton veut échapper à son destin de tueur, et retrouver sa mère. Au cours de cette grande aventure, il va croiser le chemin de créatures hautes en couleur, grâce auxquelles il va découvrir que dans la vraie vie, c'est chacun pour soi...

(c) Trondheim - Delcourt
Me revoilà donc en train de chroniquer un album de Trondheim. On  va croire que je fais une fixette sur lui, ce qui je l'avoue, est un peu le cas. Je suis rarement déçu par ses oeuvres, donc tant que je gagne, je joue. Bludzee ne fera pas exception, j'ai tout simplement adoré. C'est purement le genre de BD dont on peut lire quelques strips à la volée quant on a un moment de libre. On est certain de se marrer, ou au pire, de sourire.

Pas évident ceci dit de le résumer, tellement cet ouvrage regorge d'inventivité. C'est un mélange assez détonnant d'humour absurde, de dessins mignons, et de séquences gores (j'ai parfois pensé à Happy Tree Friends pour le côté "mort stupide" de certains assassinats).

(c) Trondheim - Delcourt
Cela est certainement dû à sa genèse, un peu particulière. Bludzee est en fait à la base un projet de Trondheim qui consistait à faire paraître un strip de six cases tous les jours pendant un an, via une application pour smartphone. Du coup, on sent l'histoire évoluer au fil des jours, partant dans une direction, puis dans une autre, toujours avec une trame conductrice, mais visiblement au gré des envies de son géniteur, pour le plus grand bien des lecteurs. Jamais on ne s'ennuie, on se marre à chaque strip, et Trondheim réussit le véritable tour de force de nous livrer quand même une histoire qui tient très bien la route, avec 365 gags ! Très fort. Du coup, à 25€ l'album (ce qui peut paraître cher de prime abord), on en a vraiment pour son argent, car c'est assez long à lire et on passe un super moment. Les gags sont très bien sentis, et d'ailleurs ils transparaissent vraiment que Lewis Trondheim s'y connait en comportement félin. J'ai parfois cru qu'il s'était inspiré de mon chat pour les gags, mais je crois que surtout que tous les chats font le même genre de conneries, et ceux de Mr Trondheim probablement aussi...

Une petite bande-annonce:


J'ai cru comprendre qu'un projet d'animation a été envisagé un temps (peut-être l'est-il toujours d'ailleurs), et c'est vrai qu'on se surprend à penser que Bludzee correspondrait tout à fait au héros d'un format court. Au final, c'est Markus, un congénère chat-assassin qui a les honneurs. Un bon choix car c'est un des personnages les plus croustillants que croise Bludzee.

Voici le pilote réalisé à l'époque pour démarcher les producteurs (pour ma part, je trouve la BD plus drôle que ce dessin animé, mais l'esprit y est):



Note finale:
Un incontournable de Trondheim, qui plaira à tous les publics (bon ok, ce n'est pas pour les gamins), y compris à ceux qui ne sont pas forcément pas fans de l'auteur. Un moment de franche rigolade. On en redemande !

mardi 15 novembre 2011

[Avis] 12 Septembre tome 1 "Le Califat de Stockholm" de Seiter et Gabrielli aux éditions Glénat

Voici un album assez déconcertant... Après l'avoir refermé, je n'ai dans un premier temps pas su dire si j'avais aimé ou pas.

L'histoire débute quelques jours avant les évènements du 11 septembre 2011. Duncan Campbell, agent de la NSA, surveille un groupe de potentiels terroristes, menés par Ali Al-Kazim. Ils sont visiblement en train de préparer une opération importante. Duncan se fait malencontreusement repérer, et manque de mourir lorsqu'ils lui tirent dessus à coup de lance-roquette. Sa partenaire aura eu moins de chance que lui, en perdant la vie au cours de cette mission... Devant la stature des personnes impliquées dans l'affaire, l'enquête est reprise par la CIA, qui l'étouffe aussitôt pour ne pas froisser les susceptibilités de certaines puissances avec lesquelles les Etats-Unis entretiennent des rapports très (trop ?) étroits. Duncan, mis en vacances de force pour une période de six mois pour éviter qu'il ne fasse du remous, est persuadé d'avoir mis le nez dans une affaire de la plus haute importance. Il décide donc de mettre à profit ces "vacances" pour mener l'enquête en douce de son côté. Il reprend alors sa filature et de fil en aiguille se retrouve à bord d'un avion en compagnie de deux terroristes, dont d'Ali Al-Kazim... Et devinez la date de ce trajet en avion ? Je vous le donne en mille: un certain 11 septembre 2001...

[petit encart à ne lire que si vous souhaitez connaître la particularité du scénario de cet album, mais qui dévoile une grosse surprise]
Dans l'avion, le commandant de bord apprend en cours de vol que les Twin Towers de Manhattan ont été attaquées, et décide de l'annoncer à ses passagers. Duncan, dans un coup de nerf, s'en prend au terroriste qui accompagne Ali Al-Kazim, qui porte sur lui deux flacons de nitroglycérine. Cet explosif étant fortement instable, cela provoque ainsi une déflagration à bord, et l'avion s'abîme en mer. Par miracle, Duncan s'en sort, et lorsqu'il regagne la surface, il est recueilli par une galère française du quinzième siècle...
Sur le fond, cet album peut avoir du potentiel, car l'idée exploitée dans sa seconde moitié peut s'avérer payante par son originalité. Peut-être l'est-elle même un peu trop d'ailleurs, car cela m'a été difficile d'y adhérer. Je n'ai pourtant pas d'a priori, d'autant que cela rappelle Lost, dont je fus fan (jusqu'à ce que j'en vois la fin). Et puis d'ordinaire j'aime bien les trucs à base d'uchronie. Peut-être cela vient-il du trop fort contraste avec la partie espionnage du début d'album...

(c) Seiter / Gabrielli - Glénat

Sur la forme, j'ai eu beaucoup de mal avec certaines planches. Très honnêtement, la première est tout particulièrement horrible, au point qu'elle pourrait faire refermer l'album. Les suivantes ne sont pas formidables non plus. Le problème ne vient pas des personnages (à ce propos d'ailleurs, Ali Al-Kazim a des airs prononcés de Saïd, de Lost), qui sont correctement dessinés, mais des décors, parfois ratés (Manhattan à l'horizon, par exemple). Heureusement, cela progresse énormément passé le premier tiers de l'album, comme si l'auteur devenait plus à l'aise.

Ensuite, le scénario est un peu exposé façon "old school"; beaucoup d'encarts expliquent ce qu'il se passe dans la case. C'est parfois agaçant car on a l'impression d'être pris par la main par le scénariste, comme si on n'était pas capable de comprendre l'histoire, mais bon c'est une façon de faire que certains lecteurs apprécient. De toute façon, petit à petit on s'habitue et certaines de ces cases apportent même finalement des informations que ne véhiculeraient pas forcément les dessins. Il y a aussi quelques points qui m'ont chagriné dans cet album, notamment au début, lorsqu'un terroriste peut tirer tranquillement au lance roquette sur une embarcation, sans qu'on vienne l'ennuyer. Ok certes la CIA a du pouvoir, mais quand même... De plus, le héros survit donc une première fois à ce tir de roquette, et plus tard dans l'album, il s'en sort lorsque son avion s'écrase en plein milieu de l'océan, après une explosion (ou bien est-il vraiment vivant ? ah ah ?...). Bon, on a vu bien pire dans mon nombre d'histoires du même genre, mais quand même !

Impossible en tout cas de porter un jugement final sur la base de ce premier tome, seul le second pourra confirmer si le coup tenté par les auteurs est payant ou non. Pour l'instant, mon avis est mitigé...

Note finale:
Un album qui commence comme un thriller d'espionnage, et qui se termine en aventure historique, comme est-ce possible ? Un pari osé. Mais pourquoi pas ?