vendredi 17 février 2012

[Avis] Hel tome 1 "L'Eveil de la Bête" par Renaud & Beaupuis, éd. Delcourt

Aujourd'hui chronique d'un titre pas très récent, je l'avoue, car je le découvre sur le tard. La BD, c'est un peu comme le bon vin, il faut parfois laisser mûrir un album avant de le lire. On dira que c'est pour ça que j'étais passé à côté. :D

L'album démarre sur une très belle scène d'introduction nous présentant Hel dans ses oeuvres: le vol de reliques humaines. La belle, couverte de tatouages tribaux apparus spontanément à sa puberté, possède des pouvoirs aussi intrigants que pratiques dans l'exercice de son activité. Comme par exemple la possibilité de traverser la matière. Il lui est donc très facile d'aller dérober le "janus" (une sorte d'embryon formé de la symbiose de deux êtres humains, conservé dans un joli bocal de formol) convoité par un couple d'artistes marginaux. Ces derniers sont fascinés par tout ce qui touche au corps humain, à sa transformation ou à son amélioration. Ils font donc régulièrement appel aux services de Hel pour obtenir de quoi agrémenter leur collection macabre. Ce milieu d'amateurs fonctionnant plutôt en cercle fermé, un célèbre et puissant mécène, Fortunio Damanos, grand collectionneurs à ses heures perdues, ne tarde pas à se manifester auprès du couple d'artistes. Il est lui aussi intéressé par ce même Janus, et s'invite au vernissage d'une de leurs expositions. Hel lui est par ailleurs présentée à cette occasion, et l'homme semble particulièrement intéressé par la demoiselle. Cette dernière, au détour d'une conversation, est intriguée par une des pièces de collection dont se vante Damanos: un janus tatoué, et ce depuis le stade de foetus. Elle s'imagine alors qu'en s'introduisant chez lui, elle trouverait probablement un moyen d'en apprendre un peu plus sur l'origine de ses propres tatouages, qui ne semblent pas étrangers à ses pouvoirs. Mais il se pourrait bien que Damanos classe la belle un cran au-dessus des autres pièces de sa collection, et qu'il lui réserve un accueil privilégié...

La première claque de cette BD est graphique. Le niveau est très élevé, et pour un premier album, on reste scotché par la qualité de dessin présentée par certaines planches. Vu le sujet abordé, on image déjà très bien que l'auteur maîtrise l'anatomie, mais au-delà de ça, la dessinatrice fait preuve d'une incroyable maîtrise de l'architecture. Les décors sont époustouflants de détail. Si on ajoute à cela une mise en couleur de circonstance, avec des tons froids qui contribuent à instiller une ambiance particulière à l'album, on se dit qu'on tient là une BD déjà prometteuse.

(c) Renaud / Beaupuis / Delcourt

Et on a de la chance, car le scénario est à la hauteur de la partie graphique, avec une histoire dense aux séquences de dialogue touffues, et une narration bien développée, sans temps mort. Le récit entre directement dans le vif du sujet, les personnages sont bien amenés et on sent qu'ils ont de la profondeur, en plus de leur côté atypique. Anne Renaud est co-signataire du scénario, pour lequel elle s'est adjoint les services d'un ami, Yannick Beaupuis, afin de tout mettre en forme, ayant déjà fort à faire avec le dessin. L'avantage, c'est que l'histoire est taillée sur mesure pour son talent et ses goûts, et cela se ressent quand on voit le travail appliqué qui est fourni. Il faut dire qu'entre les premiers aperçus de Hel en 2002 et la sortie en 2007 du premier tome, il fallait vraiment que le projet motive sa créatrice pour aller jusqu'au bout. L'équipe a visiblement réussi son pari.

(c) Renaud / Beaupuis / Delcourt
En terme d'influences, on ne peut s'empêcher de penser à Matrix, visuellement. On a pas mal de clins d'oeil disséminés, que ce soit le look et le physique de l'héroïne qui rappelle Trinity, la séquence d'introduction aérienne et nocturne avec sauts entre les gratte-ciels, le ton parfois vert donné à l'éclairage, jusqu'à même certaines cases qui sont très explicites. La référence ne s'arrête pas là, car le monde underground dans lequel se déroule l'histoire rappelle là encore la célèbre trilogie (notamment tout l'univers du Mérovingien, pour les fans). Référence volontaire ou pas (pas trop de doute pour ma part), on peut en tout cas constater qu'Anne Renaud partage quelques goûts esthétiques avec le duo Wachowski.

En tout cas, on passe un très bon moment avec cet album, le scénario est très prenant, et sait prendre une tournure inattendue, surtout à partir du moment où l'héroïne pénètre dans l'antre de Damanos. Elle y fait une rencontre avec un drôle d'adversaire (dont je vous laisse la surprise), et on en apprend un peu plus sur le rôle de ses tatouages. Toute semble possible dans l'univers de Hel, et on a du coup hâte de découvrir la suite, même si elle tarde à sortir: rien à l'horizon depuis 2007. Mais vu le boulot abattu sur le premier tome, on peut comprendre que l'auteur ait besoin de temps. 

Si vous voulez en savoir plus sur Anne Renaud, je vous invite à découvrir son blog (même s'il n'est plus très à jour), vous pourrez y découvrir l'envers du décor, avec notamment des crayonnés qui ne laissent aucun doute sur le talent de l'artiste...
En résumé:
Un premier tome excellent. Dessin impeccable à tous les niveaux,  scénario réussi, univers très travaillé. Tout y est bien dosé: action, suspens, psychologie, mystère... Ce démarrage de série s'annonce donc très prometteur, et on espère vivement pouvoir profiter de la suite dans un avenir proche.

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