Pour avoir de la main d’œuvre gratuite, le gouvernement a décidé de faire revenir les morts parmi nous. Finies les corvées, on refile toutes les tâches ingrates aux post mortems ! Ça, c'était la théorie. Dans la pratique, les employeurs ont vite compris que ces travailleurs gratuits pouvaient tout aussi bien remplacer n'importe quel salarié... Par la faute de ce détournement, le taux de chômage augmente, à mesure que la population active perd ses emplois aux profits des morts-vivants. Ce qui ne tarde pas à focaliser la grogne sociale sur eux, devenant la source de tous les maux de la société. Jérémy fait justement partie de ceux qui ne supportent plus les cadavres ambulants, d'autant plus qu'il vient lui-même de perdre son job, son patron ayant préféré le remplacer par un zombie. Sa vision des choses change radicalement lorsqu'à cause d'un accident, il bascule de l'autre côté, devenant à son tour un post mortem. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il se retrouve à travailler en usine, et subit alors le mépris et les railleries de ses collègues à son encontre. Il découvre ainsi l'enfer que vivent les morts-vivants au quotidien...
(c) Maurel / Gallimard |
On peut bien évidemment remplacer les post mortems par les immigrés, et tirer les conclusions de cette très bonne BD... Mais plus largement, on y traite aussi d'esclavage, de racisme (ordinaire ou pas), et même de la déportation... L'auteur créé une société au sein de laquelle les conditions sont réunies pour qu'à nouveau soient commises les pires atrocités: tension sociale, précarité, haine, tous les ingrédients qui finissent par aboutir au pire. Ce n'est pas sans rappeler non plus notre époque actuelle, ou la tension sociale fait qu'il ne faudrait pas grand chose pour que ça dégénère aussi...
(c) Maurel / Gallimard |
En plus du fond, la forme est également réussie. La BD, qui a priori est un one-shot, se lit d'une traite et le dessin apporte un plus à ce type d'histoire. La mouvance dont fait partie l'auteur (même si je n'aime pas particulièrement faire ce genre de classification), au style plutôt indépendant/underground, semi-réaliste, est plutôt souvent ancré dans la réalité et le quotidien (et c'est le cas quand même ici), mais lorgne plus rarement vers le fantastique. Et c'est qui apporte de la fraîcheur au genre. Gallimard a aussi fait du bon boulot sur l'objet en lui-même, j'adore ce genre de BD petit format, à forte pagination (90 planches), avec une belle couverture cartonnée, pelliculage mat du plus bel effet.
En résumé:Un scénario original et excellent, qui tient en halène, un style graphique percutant, qui forment une bien bonne histoire de zombies, sur fond de critique sociale. On appelle ça de la "politique fiction", parait-il... On en redemande, et je vais du coup tenter de mettre la main sur Blackbird, du même auteur édité chez L'Employé du Moi.
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