mercredi 5 octobre 2011

[Avis] Ralph Azham T.2 "La Mort Au Début du Chemin" de Trondheim aux éditions Dupuis

Ayant beaucoup aimé le premier tome de Ralph Azham, (et le travail de Lewis Trondheim, dans sa quasi-globalité), j'attendais avec impatience la sortie du second.

J'ai été assez surpris par cette suite. Partagé, ajouterai-je. Attention, pas partagé par le résultat, car au final, j'ai quand même aimé cet album. Mais j'ai ressenti quelques gènes à sa lecture, concernant le rythme auquel les situations s'enchaînent. Je me suis demandé quelles étaient les intentions réelles du sieur Trondheim qui, on le sait, n'aime jamais aller là où on l'attend... Je vais revenir là-dessus un peu plus loin...

Pour ce nouvel opus, nous retrouvons donc Ralph et Raoul, en route pour Astolia, la cité où l'on rassemble les "bleuis"  (des enfants qui ont un super pouvoir, parfois bien nase :D). C'est là qu'on doit les présenter à l'Oracle, qui "vérifiera" si parmi eux se trouve l'Elu, celui qui mettra un terme à la terreur de Vom Syrus. Sur leur chemin, nos deux compères font une pause dans une garnison du royaume. C'est là qu'ils rencontrent de nouveaux enfants aux dons les plus farfelus les uns que les autres (genre celui qui ne dort jamais, celui qui entend de très loin). Eux aussi sont en transit pour Astolia. Il tombent notamment sur Yassou, sorte de mini Amiral Ackar bleu, très bavard, très sûr de lui. Cela donne d'ailleurs lieu à de croustillants dialogues (LA révélation de l'album :D). Tout ce petit monde repart ensemble le lendemain pour Bélista. C'est dans cette cité,  dernière étape avant Astolia, qu'ils doivent se présenter au Superintendant, qui est chargé de trier quels enfants auront l'honneur d'être amenés devant l'Oracle. La nuit suivante, alors que tout le monde se repose en attendant d'être sélectionné, une ombre noire s'introduit dans les dortoirs, et s'attaque sans quartier à tous les enfants ! L'hospitalité des lieux semble pour le moins particulière ! Dans le sauve-qui-peut général, Ralph perd de nombreux amis, et s'échappe du château...

(c) Dupuis - Trondheim
N'en racontons pas plus pour ne pas gâcher quelques bonnes surprises ;)...

Dans ce second tome, les évènements prennent une tournure beaucoup plus sombre. Lewis Trondheim prend le lecteur à contre-pied, et paraît même prendre un malin plaisir à détruire tout ce qu'il a mis en place dans l'album précédent. On a parfois la sensation qu'il casse son nouveau jouet, comme pour nous narguer d'un "Ah je vous ai eus". Il se débarrasse de personnages clés en quelques cases, les combats et les scènes d'actions s'enchaînent, les têtes volent, les toits des châteaux aussi. Au final, des décombres semble naître un nouveau départ pour la série (déjà !). Ça y est, les choses sérieuses commencent !

(c) Dupuis - Trondheim
Je vous rassure, au milieu de tout ça, on retrouve les éléments clés du succès du premier: l'humour décalé, le détournement des codes de la fantasy (pouvoirs ringards, objets magiques en apparrence inutiles, etc). Et puis on se demande même jusqu'où Trondheim ira: il ose nous zigouiller des gamins, ou encore utiliser un bébé comme appât. Je me suis par moment interrogé si tout cela n'était pas fait exprès pour aller à l'encontre de l'esprit "bon enfant" du journal de Spirou, dans lequel, rappelons-le, cette série est pré-publiée... Mais je vois peut-être le mal et la subversivité partout. 

On peut peut-être aussi voir toutes ces morts violentes d'enfants, au nom d'un rituel de sélection, avec un oeil plus critique, et chercher un sens à tout cela. N'y-a-t-il pas tentative de nous livrer une parabole sur la fin de l'enfance, la perte de l'innocence, le passage à l'âge adulte ? Beaucoup de détails s'y rapportent, si on réfléchit bien. Les enfants qui doivent passer une sorte "d'examen" final; ceux qui sont vieillis prématurément de la main d'un adulte; cette sélection pour chercher une élite...  Sans trop tomber dans la sur-interprétation, on peut déceler qu'il a un thème récurrent...

(c) Dupuis - Trondheim
En tout cas, à l'image de son créateur sur cette série, Ralph est sans concession, et ne s'embarrasse (presque) pas avec les sentiments. Trondheim continue également d'entretenir un mystère autour du pouvoir caché de son (anti)héros, qui a la faculté de rallier à ses côtés les âmes des morts, le sortant parfois de certaines situations périlleuses. Il nous garde un biscuit sous le coude pour le tome 3 ;).

(c) Dupuis - Trondheim
Côté technique, j'ai trouvé l'album un chouilla en dessous du précédent par endroit, mais j'adore toujours autant l'univers dans lequel évolue notre pleutre canard. Et surtout, la mise en couleur est une fois encore excellente. Certains décors sont franchement réussis, et le bestiaire n'est pas en reste non plus.

Cette suite fourmille donc d'inventivité, mais elle peut parfois être déroutante. Le déroulement des évènements est probablement trop rapide par moment, mais du coup, jamais vous ne vous ennuierez. Tous ces savants artifices employés par l'auteur plongent le lecteur dans un univers où tout peut arriver, où des personnages importants sont dégagés de l'histoire sans ménage, mais aussi où un nouveau méchant intrigant et puissant fait son apparition.

Bien que Lewis Trondheim ait annoncé avoir terminé les 50 planches suivantes constituant le tome 3, il faudra attendre jusqu'en avril 2012 pour connaître la suite, et savoir si oui ou non l'auteur savait déjà où il allait dès le départ (ce second tome jette par moment le doute). Mais si vous êtes impatients, il vous reste les pages pré-oubliées dans le Journal de Spirou.

Note finale: 
Un second opus parfois confus, mais sans temps mort, qui recèle quelques surprises. L'univers de Ralph Azham s'étoffe, et le tome 3 sera certainement décisif pour savoir jusqu'où Lewis Trondheim compte nous emmener.


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